Cancer & coaching – faire face à la tempête
Cancer & coaching – faire face à la tempête
Alors que le cancer semble avancer vers vous comme un faucheur de rêve, il permet parfois de prendre une tangente salvatrice et d’explorer de nouveaux possibles. C’est le pari que vous prenez lorsque vous vous lancez dans une démarche d’accompagnement telle que le coaching afin de mieux vivre pendant et après votre maladie. Se poser les questions justes, se (re)mettre en mouvement tout en renforçant votre assise, c’est prendre un nouveau voilier nommé « désir » alors que la tempête fait rage. Je vous propose ici un questionnement en 7 vagues animé par la double intention de retour sur soi et de projection, mouvement « arrière, avant » qui permet d’activer le processus d’exploration vers des terres inconnues.
Le cancer change le rapport à votre corps, à vous-même, aux autres et touche l’ensemble des domaines de votre vie. Alors que vous ne vous y attendiez pas, il vient couper votre tracé et ajouter un compteur à votre destinée. La perception de votre réalité a, en un quart de seconde, changé de forme, de couleur, de saveur, de mélodie.
Une chose est certaine, vous ne serez plus le même homme ; alors, si vous décidiez de vous donner des objectifs pour en sortir, voire vous transformer, pour devenir bel et bien l’homme amplifié que vous avez toujours rêvé d’être ? Ne plus remettre, toujours et incessamment, cette bonne résolution à demain. Peut-être pensez-vous que ce sont des pensées positives voir utopiques ? OUI, elles le sont peut-être. Ou PAS. Et si parier sur le « ou pas », vous permettait d’avancer en faisant face à la situation avec force et détermination, et si cela vous permettait de réaliser cette fameuse percée tant souhaitée ?
Je vous propose de faire ici quelques pas en 7 questions, que je nomme « les waves ». Chacun d’entre vous aura sa réponse singulière, en fonction de son histoire de vie, du type de cancer dont il est atteint et de sa situation personnelle. L’intention de cette introspection est de dessiner les chemins possibles, les zones de points d’appuis et de remettre en mouvement ce qui peut l’être. Les réponses que vous allez vous donner constituent un socle solide, des clés essentielles pour mieux vivre pendant et après votre cancer.
Wave 1 : Qu’est-ce que votre maladie vous invite à accueillir ? Qu’est-ce qui a déjà changé, qu’est-ce qui va encore évoluer ?
L’un des effets les plus destructeurs du trauma que représente la maladie est qu’il altère souvent le réflexe d’orientation, les questions telles que : « que puis-je faire ? », « Quelle direction dois-je prendre ? » trouvent alors difficilement leurs réponses. Or, nous avons tous besoin de nous orienter pour survivre. En temps « normal », nos émotions nous indiquent les directions possibles : agréables (telle la joie), elles nous poussent vers ce qui tend à satisfaire nos besoins et accéder aux sensations de plaisir, désagréables (telle la colère, la peur, la tristesse et le dégoût), elles nous portent à nous défendre et nous protéger. Ces émotions sont nos « aiguilleurs », elles nous permettent lorsqu’elles sont bien entendues et comprises de nous diriger. Devant le danger celles-ci nous indiquent 3 solutions : combattre, fuir ou nous figer…
Or, lorsque nous faisons face à un événement traumatique, nous observons très souvent un phénomène que l’on qualifie « d’éclipse », où l’on vit une situation d’étrangeté, une dissociation entre ce que l’on ressent et la réalité. Cette sensation tient son origine dans la déconnexion de l’amygdale : lors de la réception d’un stimulus d’une nature et d’une intensité encore jamais traversées, tel l’annonce de la maladie, notre cerveau émotionnel « disjoncte » : nous nous retrouvons face à l’événement et nous ne ressentons plus rien. Cette réaction nous permet dans un premier temps de survivre !
Néanmoins, dans un second temps, il s’agit de se reconnecter avec soi-même. Un des axes de travail consiste alors à nommer ce qui vient d’arriver, à essayer autant que faire se peut, d’accueillir ce qui a changé et la représentation que l’on a de ce qui va encore évoluer. Cette question est à se poser tout au long du chemin thérapeutique, car vos sensations face à ce que vous vivez vont constamment se modifier. Ce travail de conscientisation, de retour dans l’ici et maintenant permet de retrouver petit à petit vos réflexes d’orientation : avant de pouvoir retrouver vos capacités à vous projeter dans le futur, il s’agit d’éclairer le présent.
Wave 2 : Quelle posture décidez-vous d’adopter dans votre chemin thérapeutique pour combattre votre maladie ? Objet ou sujet ?
Une des clés pour répondre à cette question est de lister le plus rationnellement possible les éléments qui sont de l’ordre de ma responsabilité (mes actions/ mes inactions, mes choix, mon attitude et ma relation aux autres) et ceux qui ne dépendent pas de moi (mes rendez-vous cliniques, l’évolution de ma maladie, la prise de mes médicaments). Cet exercice permet de vous poser avec recul sur ce que vous avez et pouvez maîtriser et ce sur quoi il est nécessaire que vous accordiez votre confiance à des tiers et tout particulièrement à votre équipe soignante. Réaliser cette liste vous place instantanément en tant que sujet de ce qui vous arrive et non objet de la vague qui vous submerge.
Wave 3 : Faire le point sur ce qui a construit l’homme que vous êtes aujourd’hui : qu’avez-vous choisi, qu’avez-vous écarté ?
Et si on parlait vrai ? Cette maladie vous propulse dans un nouvel espace-temps où le mot authenticité est plus fort que jamais. Plus le temps de faire des courbettes, de prendre des gants, le temps n’aura jamais plus autant compté que le jour où l’on vous apprend que vous allez être fatalement « affaibli » . Le rapport à soi, l’envie d’être regardé pour ce que l’on est vraiment, devient urgent. Tellement urgent que l’on peut se demander par ailleurs qui l’on est vraiment.
Garder ou conquérir une saine estime de soi, vous permettra de développer vos capacités à imaginer et vous engager à nouveau dans le futur, à réguler vos capacités cognitives (capacité à raisonner, à réguler), vos capacités émotionnelles (à ressentir, à retrouver le calme) et vos capacités à vous souvenir de votre histoire dans un récit et un enchainement logique, contrôlé et accessible. Pour cela, il est nécessaire de regarder avec bienveillance et clairvoyance les choix que vous avez faits jusqu’à aujourd’hui, les capacités qu’ils vous ont permis de développer et les potentialités qui restent nichées dans ce que vous avez écarté.
Wave 4 : Que décidez-vous d’abandonner ? Que n’y a-t-il plus lieu de continuer ?
Dans les choix que vous avez faits jusqu’à présent, de manière consciente ou inconsciente, il y a des orientations que vous avez prises qui ne vous semblent aujourd’hui plus nécessaires, voire parfois qui vous « pompent » une énergie importante, trop importante. Le courage a pu vous manquer ou l’habitude vous envelopper pour décider enfin de les abandonner. Aujourd’hui, il devient comme urgent de faire ce tri tout en veillant à rester vigilent à ne pas tomber dans la tentation du « grand ménage » qui prendra au passage des choses qui sont importantes et essentielles.
Il s’agit à ce stade de ne pas confondre « urgence et précipitation » et de se concentrer avant tout sur la régularisation de votre système nerveux. En effet, la maladie peut faire vivre à votre système nerveux autonome des montagnes russes : hyperstimulé (augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, libération de glucose), il vous engage à la lutte ou à la fuite (votre système dit « sympathique » est activé), hypostimulé, au contraire, il vous fige, vous immobilise, vous pouvez vous sentir effondré (c’est alors votre système « parasympathique vagal dorsal » qui prend le relais).
Travailler sur cette régulation avec l’aide de toute votre équipe médicale peut vous permettre de concrétiser de nouveaux choix, avec toute la sécurité nécessaire et dans un degré d’apaisement émotionnel. C’est alors que vous pourrez prendre de nouveaux choix, en vous reconnectant à ce qui est bon pour vous, là où l’énergie circule.
Wave 5 : Que souhaitez-vous initier ?
Elargir le champ et créer de nouveaux possibles est vital pour vous projeter dans la dynamique du mouvement. La question précédente, vous laisse de la place pour le faire. Chaque seconde de vie est un nouveau commencement, les nouveaux possibles sont multiples et a des échelles temporelles instantanées. Lorsque j’accompagne des personnes non atteintes du cancer dans le cadre de leur vie professionnelle, nous travaillons sur ce qu’elles désirent « être », « incarner », avant de nous pencher sur leurs ambitions à moyen terme et les actions qu’elles peuvent mettre en place aujourd’hui pour y parvenir.
C’est ce sens profond qu’ils donnent à leur vie qui vient éclairer leur présent, et qui ouvre des perspectives qu’ils n’auraient pas imaginées s’ils s’étaient uniquement accrochés au seul objectif d’atteindre « un poste ». Alors, osez comprendre cette question dans sa version la plus « inspirante » ! Quelle nouvelle posture souhaitez-vous adopter ? Que souhaitez-vous « être » ?
Wave 6 : Quel rythme décidez-vous d’adopter ?
Le corps comme tout organisme vivant suit un rythme ponctué de zones de mouvement et de points d’appuis. Notre société souffre de ce mal très profond d’urgence permanente où l’action, la performance est reine. Or, nos cycles sont extrêmement importants à respecter pour pouvoir récupérer et ensuite créer à nouveau. Pendant votre chemin thérapeutique, vous allez être contraint de suivre vos traitements et de vous arrêter, et ironie de la vie, c’est parfois repartir qui vous paraitra plus difficile.
C’est par des petits gestes, petites victoires d’entrainement, que votre corps reprendra goût au mouvement qui pourra être plus ample chaque jour. Alors, comme quand un coureur se prépare à une course de fonds, se donner des objectifs pour défier la réalité de tous les jours, vous permettra de mesurer vos progrès. Et parfois le défi sera de vous laisser vous reposer !
Wave 7 : Que communiquer à vos proches et comment ?
La relation et tout particulièrement la qualité de la relation est à soigner plus que jamais. Ce lien est important pour vous, pour que vos objectifs puissent s’incarner dans la réalité et pour vos proches pour qu’ils sachent eux aussi comprendre quels sont vos besoins et comment ils peuvent vous accompagner, vous soutenir. Faites la liste de toutes les personnes qui sont touchées par votre maladie : votre famille, vos amis, vos collègues de travail, votre équipe soignante.
Pour chacun d’entre eux, la situation est singulière, car votre relation est par essence singulière. Pour chacun d’eux, réfléchissez à votre intention : que souhaitez-vous vivre avec cette personne, que souhaitez-vous construire, de quoi avez-vous besoin de sa part, qu’avez-vous à lui offrir ? N’essayez pas de la surprotéger, elle aussi à le droit d’être sujet de ce qui arrive, apprenez à nommer les choses, quelque soit son âge, adulte ou enfant, il y a toujours une façon douce de le faire, il s’agit juste d’y travailler.
Cette méthode de questionnement convient aux situations critiques comme celle du cancer, elle peut être également utile à toute personne qui souhaite se transformer et qui ressent être à « un point de bascule » où il devient important de reprendre les rênes de sa vie pro, perso et souvent les deux. A partir des réponses que vous allez donner, d’autres champs d’explorations vont s’ouvrir, et l’exploration, c’est la Vie.
Joséphine Prévost
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